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Développer un leadership innovant, idée simple ou casse-tête ?
Didier Burgaud
Directeur conseil chez Qualintra
5 minutes
19 janvier 2022
Point de modèle de leadership ou de référentiel de compétences sans une dimension consacrée à l’innovation.
Toutes les entreprises attendent de leurs dirigeants et top managers qu’ils fassent preuve d’innovation. Cependant, les résultats consolidés des feedback croisés (180° ou 360°) mettent en évidence non seulement un écart important par rapport à d’autres compétences mieux maîtrisées, mais également des attentes fortes exprimées à la fois par les dirigeants eux-mêmes et leurs observateurs. Alors ? L’innovation serait-elle incompatible avec le leadership ? Les dirigeants négligeraient-ils de développer cette compétence?
Géo Trouvetou ou vecteur d’innovation ?
Les échanges que nous conduisons régulièrement avec des dirigeants montrent que les attendus ne sont pas toujours clairement exprimés. Ils ont en effet vite fait de s’imaginer qu’ils doivent être eux mêmes à l’origine de l’innovation et faire preuve de génie créatif au quotidien. En réalité, leur rôle consiste avant tout à encourager la culture de l’innovation, à être des agents d’innovation, en bref ceux « par qui l’innovation arrive ». Ceci passe par l’adoption de comportements d’ouverture et de curiosité, forme d’exemplarité qui doit ouvrir la voie à l’audace et la rupture chez leurs collaborateurs.
Appréhender l’innovation dans son ensemble
L’innovation ne se limite pas à l’élaboration de nouveaux produits ou services, mais concerne bien entendu la remise en cause des processus et des manières de faire dans une recherche d’amélioration continue. Dans cette perspective, il peut s’agir de « challenger » les équipes et de les pousser dans leurs retranchements en posant des questions candides : « Comment pourrait-on faire plus vite ? Moins cher ? Avec plus de valeur pour le client ? Plus simple ? … ».
Cette ouverture à l’innovation peut également se traduire par l’incitation systématique à rechercher des benchmarks internes et externes et des bonnes pratiques dans des secteurs différents ou d’autres entités de l’entreprise. Ces démarches permettent en parallèle de renforcer la collaboration à travers l’émulation et la fertilisation croisée qu’elles suscitent.
Au-delà des outils classiques de créativité, dans le cas de recherche d’innovation orientée vers les clients, le recours à des séances de co-développement en associant certains clients (internes ou externes) à la réflexion permet d’enrichir la génération d’idées tout en accélérant le processus d’adoption.
Faire et faire savoir
Une analyse plus approfondie des feedbacks, renforcée par le contenu des séances individuelles de restitution des résultats, fait apparaître dans certains cas un décalage entre la perception des équipes et celles des autres observateurs, pairs et responsables hiérarchiques. Si les collaborateurs directs reconnaissent à leur manager des compétences d’innovation et d’ouverture, les autres catégories expriment en revanche des avis plus critiques.
En échangeant avec les dirigeants concernés – et même si ces derniers ont tendance également à se « sous-estimer » sur ces comportements – nous constatons un déficit de visibilité des innovations mises en place. En résumé, ils initient et encouragent des démarches innovantes mais négligent de le faire savoir. Ceci est renforcé par la tendance naturelle de ces personnes à ne pas se mettre en avant, convaincus qu’ils sont que la valeur se juge aux résultats et ne nécessite pas d’en « faire de la publicité ». De ce fait, leur rôle d’agent d’innovation n’est pas suffisamment perçu.
Valoriser et reconnaître les contributions
La réflexion sur les comportements qui encouragent la créativité et l’innovation et leur évaluation à travers des dispositifs de feedback croisés constitue une étape importante pour renforcer une culture d’innovation en démarrant par la population des dirigeants. Elle risque de demeurer lettre morte si ces comportements ne sont pas clairement valorisés et récompensés. Il peut s’agir de considérer l’innovation au sens large comme une composante de la performance et d’y indexer une partie de la rémunération variable. Cela peut aussi passer par la valorisation des managers exemplaires en matière d’innovation en leur permettant de bénéficier d’opportunités de carrière plus rapide, de davantage d’exposition au top management ou à des formations gratifiantes.
La culture d’innovation s’appuie en premier lieu sur la conviction et l’exemplarité des dirigeants et top managers. Pour que cette culture prenne véritablement racine, il convient de clarifier ce que l’entreprise attend de cette population dans ce domaine. Il s’agit ensuite de s’assurer que les réalisations sont connues et communiquées, enfin de garantir la reconnaissance de l’innovation comme facteur de performance.
Ces trois étapes permettront de faire des dirigeants les premiers ambassadeurs de la stratégie d’innovation. Pasteur ne disait-il pas : « Le hasard ne sourit qu’aux esprits préparés »?