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Maintenir la transversalité, un autre défi de la crise du COVID ?
Didier Burgaud
Directeur conseil chez Qualintra
6 minutes
11 mars 2021
L’analyse des feedback 360° nous montre généralement que les managers perçus comme les plus performants par leurs équipes recueillent souvent des scores sensiblement plus critiques de la part de leurs pairs et collègues. Nous observons que cette tendance s’exacerbe depuis quelques mois, sous les effets de la crise du Covid.
Le management à distance, les règles de distanciation poussent les managers à se rapprocher de leurs équipes et à focaliser leurs efforts sur l’engagement de leurs collaborateurs.
La grande majorité de ces managers nous dit avoir pris conscience de leur rôle d’agent de cohésion et s’attacher à entretenir un climat d’équipe positif. Ils y consacrent donc davantage d’énergie et de temps qu’en période « normale ».
En outre, la pression mentale considérable due à l’incertitude généralisée actuelle sur l’avenir à court et moyen terme (activité économique, restrictions nationales et internationale …) les incite à se recentrer sur leur cœur d’activité.
Enfin, le travail à distance et les mesures de distanciation sociale réduisent de facto la proximité entre collègues et pairs et les occasions d’échanger de façon informelle.
La détérioration de la relation transverse risque d’entraîner la renaissance des silos et les logiques de chapelle.
Les dommages collatéraux potentiels sont connus : opportunités commerciales non exploitées, manque de fertilisation croisée, circulation moins fluide de l’information et des bonnes pratiques, moins de temps d’échange sur les problématiques et les enjeux communs, relations clients/fournisseurs internes plus tendues, déficit de collégialité, pour ne citer que ceux-là. Alors comment faire ?
Le rôle d’agent transverse des dirigeants
Tout d’abord – une fois encore – l’exemple doit venir d’en haut.
Au-delà des incitations à coopérer, les dirigeants doivent jouer leur rôle d’agents transverses en continuant de se rendre disponibles pour leurs pairs pour échanger sur les difficultés respectives, et en démontrant de façon visible des comportements d’entraide et de soutien mutuels.
Certains comités de direction gagneraient à prendre davantage de temps à analyser les contraintes de leurs pairs et les contributions qu’ils en attendent ainsi que celles qu’ils estiment pouvoir apporter. La conclusion d’accords de coopération internes formels ou informels permettrait de structurer les approches collaboratives et d’en décliner les objectifs dans l’organisation jusqu’au niveau des équipes.
Mutualiser certains objectifs
De même, la mutualisation de certains objectifs (et leur impact sur une partie de la rémunération variable des intéressés) favoriserait la mise en place de collaborations plus efficaces entre les services.
A titre d’exemple, fixer des objectifs communs au marketing et au commercial en termes de résultats sur les lancements de nouveaux produits ou de réduction des références à faible rotation peut contribuer à rapprocher les directions concernées.
Ensuite, les dirigeants doivent s’assurer que leurs collaborateurs et leurs équipes prennent conscience des bénéfices qu’ils peuvent tirer d’une collaboration renforcée. Une réflexion commune sur une plus grande mutualisation de ressources peut aider à lisser la charge de départements surchargés.
Il peut s’agir aussi d’animer des ateliers multifonctions sur le partage de bonnes pratiques dans le cadre du management à distance et des contraintes sanitaires.
Le temps, condition indispensable à la collaboration
Ces éléments doivent accompagner une réflexion de fond plus générale avec les managers sur le temps et son utilisation pour faire co-exister un bon niveau de transversalité et une relation managériale de qualité avec leurs équipes.
Comment peuvent-ils libérer du temps pour entretenir la relation transverse ?
Cette recherche d’optimisation peut prendre plusieurs directions : renforcer la délégation et la responsabilisation, rester focalisé sur les priorités, sélectionner dans leurs réseau les parties prenantes critiques avec lesquelles il faut passer du temps.
Par exemple, la prise de recul autour de questions simples du type « Que puis-je arrêter de faire, faire-faire, faire moins, faire différemment… ? » peuvent révéler rapidement des gains de temps potentiels.
Le recours à une approche socio-dynamique de leur écosystème (identification et cartographie des parties prenantes) permet également de privilégier les relations avec quelques acteurs clefs.
Ici encore quelques questions simples peuvent les aider à rendre ces relations gagnant/gagnant : « Quels sont leurs enjeux, leurs objectifs, leurs contraintes, leurs difficultés ? Quelle contribution attendent-ils et sous quelle forme (ressources, information…) ? Quel résultat veut-on atteindre ensemble ? Comment les différentes équipes peuvent-elles mieux travailler ensemble ?« .
Instaurer un climat de solidarité
Certaines entreprises ont pris conscience de ce défi et renforcé des approches transverses.
Par exemple, en créant des binômes entre managers d’entités différentes ou des communautés de management de proximité autour de sujets de transformation, animées par des sponsors membres de comité exécutifs.
Ces approches visent à renforcer l’efficacité opérationnelle et servent les objectifs à court et moyen terme de l’entreprise.
Dans une période de forte tension, elles permettent également de soutenir moralement et techniquement les managers en veillant à leur procurer un climat de solidarité indispensable pour entretenir leur résilience.